Zelda est volontaire à Arequipa auprès de l’association Apiphac, au Pérou. Elle entame en septembre sa troisième année en tant que volontaire DCC, elle nous parle de son expérience, et de l’exercice de son métier : l’équithérapie.
- Pourquoi as-tu décidé de partir en volontariat ?
En 2016, après 6 ans d’exercice en tant que psychomotricienne et tout juste diplômée en équithérapie, j’ai posé une année sabbatique à mon travail dans le but de voyager en Amérique du Sud et faire du volontariat dans différentes associations. J’ai pu notamment avoir une expérience extraordinaire dans une association d’équithérapie au Pérou pendant quelques mois.
A mon retour en région parisienne en septembre 2017, j’ai repris mon poste de psychomotricienne dans le même établissement, mais je ne m’y sentais plus à ma place. Beaucoup de décalage en général, dans ma vie quotidienne également. Retourner dans la vie d’avant avec un tel voyage n’a pas été chose simple pour moi et je n’ai jamais vraiment réussi à me réadapter. Le voyage, l’exotisme, les paysages de montagnes, de volcans, parler espagnol sont des choses qui me manquaient tous les jours ou presque.
En janvier 2018, la même équipe de l’association péruvienne d’équithérapie m’appelle et me propose un poste en VSI au sein de l’association pour arriver quelques mois plus tard. Ma réponse est évidente et je me prépare donc à revenir en septembre 2018.
- Tu es donc équithérapeute dans l’association Aphipac. En quoi consiste ton métier ? Qu’est-ce qui t’anime en le pratiquant ?
Ma formation initiale est la psychomotricité et cinq ans plus tard, j’ai voulu me spécialiser en me formant à l’équithérapie. Je suis cavalière depuis mon plus jeune âge et les chevaux ont presque toujours été présents dans ma vie. J’ai toujours eu dans l’idée de les inclure dans ma vie professionnelle. Après le baccalauréat, je m’intéressais beaucoup aux fonctionnement psychique, à comprendre les comportements humains. J’ai donc commencé par un master en psychologie, puis j’ai découvert la psychomotricité qui a une vision plus globale de la personne en prenant en compte l’aspect corporel, cognitif et émotionnel pour y trouver un équilibre. L’équithérapie est donc une excellente médiation pour compléter l’approche psychomotrice avec en plus cet atout la présence de l’animal cheval. On pourrait définir l’équithérapie comme une thérapie complémentaire qui considère que l’on peut passer par le corps et par l’esprit pour atteindre des objectifs en termes de santé psychique. C’est pourquoi les moyens employés par les équithérapeutes peuvent être d’ordre corporel (perceptions, stimulations sensorielles, gestes, postures, tonus…) tout autant que psychologiques (échanges verbaux, émotions, désirs, relations…), en s’appuyant sur la présence du cheval aussi bien avec ses caractéristiques émotionnelles et non verbales que par ses caractéristiques physiques.
Ici, à l’association nous proposons les séances à toute personne de la région présentant un diagnostic médical et une prescription médicale pour être accompagné par l’un de nos équithérapeutes. Une évaluation et un projet thérapeutique individualisé seront donc proposés pour déterminer les objectifs thérapeutiques à travailler avec chaque patient.
Ce qui m’anime le plus : la relation homme-cheval qui m’émerveille chaque jour ; la relation que j’instaure non seulement avec chaque patient mais également le travail que l’on fait conjointement avec la famille et l’entourage ; et le cadre de travail inhérent au cheval, c’est à dire être dehors au contact de la nature et non plus être enfermée entre quatre murs.
- A quoi ressemble une journée type à Arequipa ? Quelles sont tes sources d’émerveillement quotidiennes ?
Une journée type :
- debout à 5h30 (facile, le soleil se lève à 5h presque toute l’année) !
- trajet en vélo jusqu’à l’association (environ 30mn aller)
- soins et travail quotidien des chevaux, préparation de la journée
- 9h début des séances
- 13h : pause déjeuner
- 14h : reprise des activités et soins des chevau
- 17h : fin de journée de travail et retour en vélo
Puis en fonction des jours, soit du travail en lien avec les patients (rédiger le compte-rendu, préparation de séances etc.) ou en lien avec l’association de manière plus générale, soit des sorties avec les amis pour profiter un peu ou faire du sport comme l’escalade ou le yoga ou des activités tranquilles à la maison comme la couture, la lecture et le tricot.
Mes sources d’émerveillement quotidiennes : les vues sur les 3 volcans qui dominent la ville d’Arequipa et les cinq chevaux de l’association qui sont juste géniaux et super attachants.
- Qu’est ce qui t’as le plus marqué en arrivant ? Comment s’est passée ton intégration à la culture péruvienne ?
C’était ma 3ème arrivée au Pérou. Une dizaine d’années plus tôt, j’avais fait un voyage de deux mois avec des amis. Ce qui m’a le plus marqué, cette fois-là, un tremblement de terre la première nuit en arrivant à Lima !
Cette fois-ci, l’accueil chaleureux de toute l’équipe !
L’intégration a été facile et rapide car je connaissais déjà beaucoup de monde, au sein de l’association, mais également dans le cercle de l’escalade, milieu que je fréquente beaucoup.
- Selon toi, quel rôle joue le volontariat dans la transition écologique et sociale ?
La transition écologique est un concept qui vise à mettre en place un nouveau modèle économique et social de manière à répondre aux enjeux écologiques de notre siècle. Cette notion intègre la transition énergétique et cherche à repenser nos façons de produire, de travailler et de vivre ensemble sur un territoire pour le rendre le plus écologique possible. Ainsi, je pense que le volontariat de manière générale et non pas forcément le VSI peut jouer un rôle dans ce sens, comme une autre façon de percevoir le travail et de vivre ensemble, le tout de manière plus locale et ciblée.
- As une rencontre ou une anecdote qui t’a marquée que tu souhaiterais nous partager ?
Oui, bien sûr. La rencontre de Luna, la dernière jument arrivée dans l’association quelques mois après mon arrivée. Nous cherchions une nouvelle jument pour permettre à l’un de nos autres chevaux de partir à la retraite après une carrière bien remplie dans l’association. Nous avons, après plusieurs mois de recherche, trouvé Luna, jeune jument de trois ans qui avait vécu jusque-là seule avec sa mère dans un pré. Une rencontre sous le signe de la patience, de la douceur mais aussi de l’affirmation de soi. Trois choses importantes à trouver en soi pour éduquer un cheval depuis le tout début avec la séparation d’avec sa mère et pour ensuite qu’elle devienne une jument en équithérapie. Un beau défi pour toute l’équipe. Quelques conflits au niveau des points de vue dans la façon d’éduquer un cheval au Pérou et en France. Mais cela a fait aussi travailler toute l’équipe pour trouver un équilibre et que cela puisse profiter à la fois à la jument et aux futurs patients qui travailleront avec elle. Aujourd’hui, après avoir respecté son rythme et sa croissance, elle fait quelques séances avec les enfants. Curieuse, douce, clown et sa vitalité font d’elle une jument extraordinaire et tout le monde est ravi. Et elle fait de beaux cadeaux à l’équipe en nous montrant la confiance qu’elle a en nous !
- C’est ta troisième année au Pérou, quelles enseignements tires-tu de cette expérience ?
En fin de première année, je me suis rompue les ligaments croisés du genou. Un an après, nous étions en quarantaine et ici , au Pérou mais plus particulièrement à Arequipa, cela a duré 6 mois continus. Et nous avons été rapidement plus que trois personnes dans l’association pour faire en sorte qu’elle puisse survivre. Aujourd’hui encore, c’est compliqué car nous avons du déménager avec nos 5 chevaux et nous devons encore déménager à la fin du mois de décembre.
Cette expérience m’apprend (je parle au présent car ce n’est pas encore complètement terminé !) à ralentir, à prendre du temps pour moi car j’ai tendance à être à fond tout le temps, à ne pas savoir poser mes limites avec les autres mais aussi avec moi-même et mon corps a fini par me dire STOP !! Donc avant que cela ne se reproduise, je sais ce que je dois faire … Aussi, j’apprends petit à petit à ne pas tout prendre à cœur, car j’ai tendance à m’investir à fond dans ce que je fais et j’oublie, dans certaines situations, de prendre de la distance pour relativiser !
Encore, un élément important, la notion de temps. Quand j’habitais en région parisienne, tout mon planning était programmé sur plusieurs mois à l’avance. Ici, je ne sais plus rien anticiper une semaine à l’avance. Pour le coup, je n’ai pas appris cela mais c’est venu tout seul et je ne pensais pas que cela m’arriverait un jour. La culture péruvienne s’est imprégnée doucement en moi