Je suis arrivé à Kampung Sawah, un bidonville dans le nord de Jakarta, la capitale de l’Indonésie, le 19 août 2019. Depuis, j’ai vu s’écrouler beaucoup de mes convictions et de mes préjugés. Je pensais y rencontrer la pauvreté, le désespoir et la tristesse, j’y ai découvert la joie, la résilience et la richesse dans la simplicité.
Envoyé par la DCC, j’ai rejoint le mouvement Life Project 4 Youth (LP4Y) qui a fait de son combat l’intégration sociale et professionnelle des jeunes adultes victimes d’exclusion et de pauvreté. Depuis plus de 10 ans, LP4Y a accompagné 2 493 jeunes avec 41 programmes répartis dans 13 pays. A Jakarta, c’est avec la gestion d’une entreprise de production d’eau potable que les jeunes adultes acquièrent l’expérience et les compétences qui feront d’eux les futurs talents du monde du travail. Business, management, communication, anglais, Suite Office 360, nos entrepreneurs acquièrent en 9 mois les codes du monde professionnel. Un monde dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence et qu’ils finissent pourtant par intégrer avec succès à la fin du programme. Et l’intégration professionnelle, c’est la promesse d’une nouvelle vie pour les jeunes, leurs familles et leur communauté.
Khotimah, 17 ans, habite dans une cabane sur pilotis, au bord de la rivière qui longe le bidonville. Bien loin de la Loire et des châteaux qui la bordent, le torrent de Kampung Sawah est un égout à ciel ouvert. Khotimah est une étudiante brillante, qui gagne chaque année le concours d’échecs du collège, puis du lycée. Mais les problèmes financiers de ses parents l’obligent à quitter l’école avant de valider son diplôme. Elle cherche donc un travail pour aider sa famille. Sauf que, quand on n’a ni qualification, ni réseau, ni expérience, c’est comme trouver un grain de poivre dans une salière. Alors elle reste à la maison pour aider sa mère, s’occuper de sa petite sœur, cuisinier, nettoyer… Jusqu’au jour où des jeunes de notre centre la recrutent dans la rue. Et c’est ainsi que commence sa formation, qui n’est pas toujours un long fleuve tranquille, mais qui va réveiller l’ambition et la volonté qui l’anime.
9 mois plus tard, elle est responsable de l’accueil des clients d’un luxueux hôtel du centre-ville, coordonne 3 personnes ainsi que l’ensemble des réseaux sociaux du palace et parle couramment anglais. Avec un contrat, un salaire fixe, une assurance et des jours de congés, c’est sa famille entière qu’elle entraîne avec elle loin de la pauvreté et de l’exclusion.
Khotimah, Wahab, Katrin, Angel, chaque nom appelle une histoire héroïque. Et la liste est longue. J’ai passé 1 an et 3 mois à Kampung Sawah. Jamais je n’avais rencontré des gens aussi résilients et courageux. Malgré les inondations dévastatrices pendant la saison des pluies, les répercussions économiques redoutables de la COVID, ou encore la maladie et la faim, la joie de vivre et les sourires des citadins y sont plus forts que partout ailleurs. La générosité, le partage et la bienveillance sont les richesses qui permettent aux habitants de continuer de vivre. Ils ont la sagesse de voir le positif dans chaque évènement. Et les inondations deviennent des piscines olympiques. Comme me l’expliquait Hadi, orphelin qui parcourt chaque matin en vélo 30 kilomètres pour venir au centre : ”Romain, tu me dis que quand on a un problème, il faut trouver la solution. Mais je ne trouve pas de solutions. C’est que dans ma vie, Romain, je n’ai jamais eu de problème.”
Romain Mailliu
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