Anne est volontaire au Paraguay avec son mari Marc pour Inigo. Elle témoigne de la façon dont la lecture de Laudato Si’ a motivé son envie de départ et comment son expérience en mission nourrit à son tour sa compréhension de l’encyclique.
Propos recueillis par Camille Ledeux, chargée de communication
« Depuis plusieurs années, mon mari et moi sommes dans une démarche écologique en modifiant notre consommation et en tendant vers une vie plus simple. Plus j’avançais, plus je ressentais de la joie, expérimentant la fameuse “sobriété heureuse” ! Si ma motivation était d’abord de prendre soin de la nature, la lecture de Laudato Si’ a profondément renouvelé ma démarche, en lui donnant plus de sens. Spirituel d’abord : reconnaître que tout vient de Dieu et donner aux choses matérielles leur juste place. Puis j’ai pris conscience que “tout est lié” : prendre soin de la nature, c’est aussi prendre soin du frère, l’un ne peut aller sans l’autre. Il y a dans l’écologie intégrale des enjeux de justice : c’est entendre conjointement “le cri de la terre et le cri des hommes”. J’ai réalisé que si mes modestes efforts vers une vie plus sobre ne s’inscrivent pas dans un souci de solidarité, ils seraient un peu stériles, voire parfois intransigeants.
Sortir de sa zone de confort
Je me suis sentie appelée à sortir de ma zone de confort : confort matériel de ma vie en France, mais aussi confort de mes certitudes. Nourris de la lecture de Laudato Si’, animés du désir de nous mettre au service, d’aller à la rencontre de l’autre, nous avons décidé, avec mon mari, de partir deux ans en volontariat. Notre départ s’inscrit dans une démarche de conversion : conversion spirituelle, humaine et écologique. Se laisser déplacer par cette expérience pour, au retour, orienter différemment notre vie. Les préparatifs nous ont montré qu’il n’était pas simple de se détacher de nos biens matériels. Partir avec 23 kilos de bagages oblige à simplifier ! Une fois dans l’avion, j’ai ressenti un réel sentiment de liberté intérieure.
Changer de perspective et se laisser interpeller
Cela fait sept mois que nous sommes à Asunción, auprès de Fe y Alegría, un mouvement international d’éducation populaire intégrale et de promotion sociale. Inspirée des valeurs de l’Évangile, l’association propose une éducation de qualité ouverte à tous, spécialement aux jeunes en situation de vulnérabilité. Je travaille dans l’équipe projets dont la mission consiste à chercher des financements pour assurer la pérennité de Fe y Alegría. La simplicité de notre vie de volontaires est source de joie. Nous ne possédons pas grandchose mais cette “sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice”. J’ai l’impression d’être davantage dans le présent, de mieux vivre chaque jour ce qui m’est donné. Au début, j’ai été un peu choquée par certains gestes peu écologiques : la lumière qui reste allumée, l’absence de tri des poubelles, les sacs plastiques jetés dans la rue… En déduire que les Paraguayens ne font pas attention à l’environnement serait une erreur. Le sujet est bien présent, j’entends souvent l’expression de Laudato Si’ “cuidar la casa común” (prendre soin de notre maison commune). On s’inquiète beaucoup de la déforestation, de la pollution des eaux et des dégâts causés par une utilisation massive des pesticides. On parle peu de réduire les déchets mais surtout de planter des arbres ! Ce changement de perspective nous interpelle : nos préoccupations respectives, en France ou au Paraguay, sont liées à notre réalité et à la manière dont nous sommes sensibilisés. Cela nous invite à ne pas juger trop vite, avec notre regard français. J’essaye de reproduire quelques gestes quotidiens : avoir toujours sur moi un sac pour les courses, réutiliser les sacs plastiques, acheter des produits paraguayens… J’ai été heureuse de trouver un marché bio avec de petits producteurs et artisans et de constater que l’agroécologie se développe doucement mais sûrement !
En mission, nourrir sa réflexion
Ici au Paraguay, la contemplation de la nature nourrit ma réflexion sur Laudato Si’ : je m’émerveille devant la flore et la faune tropicales, avec des tas d’espèces inconnues ; la luxuriance et la puissance de la végétation me font penser au jardin d’Éden. Comment ne va pas vouloir la préserver ? Je prends conscience de manière plus concrète de certaines dérives dénoncées par le pape : l’accaparement des terres par quelques-uns au détriment des plus pauvres, la spoliation des communautés indiennes qui sont parfois considérées comme des “sous-hommes”, l’usage intensif des pesticides par les grands propriétaires pour faire du profit, sans souci des villageois qui doivent souvent émigrer en ville et se retrouvent dans les bidonvilles d’Asunción. J’essayais de m’informer en France, par des lectures ou des conférences, mais ici je côtoie des personnes directement touchées et cela fait mal… Je ressens la notion de “maison commune” : nous sommes embarqués ensemble ! Tous vulnérables et interdépendants. Et cette ouverture me réjouit, me dilate le cœur ! »
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