Charlotte Verger, ingénieure agronome, est volontaire avec son mari, François, depuis mars, à Alfa Kpara, dans le nord du Bénin.
Sa mission consiste à développer l’agroécologie sur les terres de la paroisse catholique de la ville afin de permettre à l’école primaire, gérée par la paroisse, de parvenir à l’autonomie alimentaire et financière. Retour sur les difficultés et les joies de ce début de mission.
Quel est le contexte agricole de la région dans laquelle vous intervenez ?
L’agriculture est essentiellement vivrière. Les familles cultivent de l’igname, du manioc, un peu de sorgho pour se nourrir mais développent très peu de cultures de rente, destinées à la vente, à l’exception de celle de l’anacarde mais qui est contraignante car le prix de la noix de cajou fluctue beaucoup. Les élevages sont petits, entre trois et quatre poules et deux ou trois chèvres, rarement davantage.
Deux facteurs compliquent sensiblement le développement de l’agriculture : l’accès à l’eau, difficile pendant la saison sèche qui est aggravée par le changement climatique, et le manque d’outils, ce qui est frappant pour nous. Les cultivateurs utilisent en effet très peu la traction attelée, et à part la houe et la daba, ils n’ont pas d’outils pour la main, comme la pelle ou le râteau.
Que souhaitez-vous mettre en place et quelles difficultés rencontrez-vous pour le moment ?
La paroisse possède 17 hectares de terres arables. Grâce à la fondation Heloïse Charruau qui finance le projet, nous avons fait appel à un prestataire pour mettre en place des cultures de tangelo – un croisement entre la mandarine et le pamplemousse – et d’anacarde et de maïs. De plus, avec Pierre, technicien agricole, nous travaillons à la culture de divers légumes, notamment le piment qui se vend bien, et à l’élevage de porcs de la paroisse. L’objectif à court terme est de dégager nourriture et ressources financières pour l’école primaire dont la situation est très précaire pour le moment. Les familles payent peu ou pas de frais de scolarité alors que beaucoup d’enfants sont internes et donc pris en charge complètement par l’école. Ce que nous souhaitons faire, d’ici septembre, c’est inviter les parents à s’impliquer davantage dans la culture des terres de la paroisse, pour qu’ils puissent payer en nature la scolarisation de leurs enfants et surtout qu’ils puissent se former à l’agriculture afin d’améliorer le rendement de leurs propres terres. A moyen-terme, nous souhaiterions que les familles s’organisent en coopérative agricole afin de mutualiser les moyens et les ressources. Mais c’est compliqué parce que les gens n’ont pas l’habitude de travailler la terre ensemble et quand ils n’y voient pas un intérêt personnel direct, ils ne se mobilisent pas. C’est peut-être culturel mais c’est d’abord social : l’extrême pauvreté oblige à penser d’abord à soi et le manque d’éducation amènent les gens à penser qu’ils ne sont pas capables de faire alors qu’ils ne manquent pas de volonté. Pour l’heure, ma crainte est que les récoltes en fin d’année soient directement vendues pour combler le déficit de l’école alors que nous les vendrions plus chers en mars si la gestion de l’établissement s’améliorait.
Des raisons de rester confiante ?
Oui, car le projet me semble utile et faisable. En se structurant et en acquérant les bons réflexes comme l’utilisation des déjections d’animaux pour fertiliser les sols ou le paillage de la terre pour la garder humide, les cultivateurs peuvent vraiment améliorer leurs récoltes et développer leurs ressources. De notre côté, cela nous demande beaucoup de patience et de compréhension pour découvrir les modes d’organisation et les rôles de chacun. Mais l’autre jour, en discutant dans un village avec une quinzaine de jeunes puis très vite une trentaine dont les yeux brillaient quand on leur parlait d’agriculture et qui désiraient de développer le maraîchage dans le creux de leur vallée, je me suis dit qu’il y a toutes les raisons d’espérer. Car quand on leur demande leurs rêves, ils en ont.
L’article Au Bénin, cultiver la terre pour faire vivre l’école est apparu en premier sur La DCC.