Aziliz est infirmière, volontaire au sein d’une communauté des petites sœurs de l’Assomption à Fianarantsoa. En binôme avec une sœur, elle suit au quotidien la nutrition de 15 à 25 enfants qui vivent dans trois quartiers populaires de la ville.
Quand son visage apparaît à l’écran, Aziliz a un grand sourire, le visage pâle et les traits tirés. Tout est normal : elle est en poste depuis deux mois à Madagascar, un pays qui vous accueille aussi joyeusement qu’il prend votre énergie, tant les défis à relever sont immenses pour sortir de la misère.
Au centre Akany Fivoarana (« nid du développement ») de Fianarantsoa, le défi est de permettre aux enfants des quartiers de vivre et grandir normalement grâce à une alimentation suffisante et équilibrée. « On dit souvent que les Malgaches sont petits, explique la volontaire, mais ce n’est pas un trait naturel. L’Organisation mondiale de la santé considère que tous les enfants devraient avoir la même courbe de croissance : ce sont d’abord les carences qui font que certains grandissent beaucoup moins que d’autres. » Les autorités malgaches estiment qu’environ 47,3 % des enfants de moins de cinq ans sont en situation de dénutrition chronique. L’objectif du plan national d’action pour la nutrition est de faire descendre ce taux à 38 % d’ici à 2021. Atteignable ? « Difficilement », pour Aziliz.
Au quotidien, elle et sa collègue accueillent, matin et soir, des enfants en situation de sous-nutrition et leurs mères. Elles leur remettent un complément alimentaire très riche fabriqué localement, le koba aïna (mélange de riz, maïs, soja, arachide, sucre, sel iodé, sels minéraux et vitamines). Le mercredi et le samedi matin, elles distribuent du lait ou des yaourts et proposent un repas complet composé de l’irremplaçable portion de riz accompagnée de viande ou de légumes puis d’un fruit. Sans ces apports nutritionnels, les enfants risqueraient de ne manger que du riz, deux ou trois fois par jour, car la viande, les légumes et même les fruits, dans ce pays qui en regorge pourtant de toutes sortes, sont chers pour les familles très pauvres. Toutes les deux semaines, Aziliz et sa collègue pèsent et mesurent les enfants pour évaluer leur évolution.
« À terme, une vraie réussite serait de pouvoir prendre en charge les enfants entre trois et six mois maximum en accompagnant progressivement les mamans vers une complète autonomie. » Car si la misère matérielle des familles est évidemment la première cause de dénutrition des enfants, l’accompagnement et la formation des mères sont des leviers essentiels pour remédier durablement à cette situation.
Accompagner les mères pour bien nourrir les enfants
Les familles monoparentales sont nombreuses et les mères sont souvent très jeunes et inexpérimentées dans l’éducation de leurs enfants. « Certains enfants ne prennent même pas de repas mais grignotent simplement pendant la journée des gâteaux ou des bonbons », concède Aziliz.
Sa mission consiste donc également à former les mères à la nutrition et l’hygiène de base. Cela leur permet d’acquérir les bons réflexes afin d’utiliser au mieux les moyens financiers dont elles disposent pour nourrir et prendre soin de leurs enfants. Faire du suivi nutritionnel, c’est donc être attentif autant aux enfants qu’à leurs mères pour lesquelles le passage au centre joue un rôle social important par le partage avec les sœurs, les autres mamans et Aziliz.
La volontaire française vit donc une rencontre interculturelle riche. Elle s’est mise au malgache quatre heures par semaine et, pour l’heure, combine, persévérante, son vocabulaire balbutiant avec des signes pour échanger avec les mères et les enfants. Quand on arrive avec les standards sanitaires européens et que l’on se confronte à une réalité qui « nous oblige à revoir nos critères de bonne santé à la baisse », la rencontre est aussi marquante et éprouvante. Depuis qu’elle est arrivée, l’infirmière suit une petite fille qui combine un retard de croissance avec un faible poids. Elle est tombée malade, s’est amaigrie encore : Aziliz l’a accompagnée trois fois à l’hôpital où on lui donne quelques médicaments sans s’alarmer davantage.
« En France, on l’aurait hospitalisée depuis longtemps. Ici, c’est tellement normal, les critères de gravité sont tout autres. C’est nouveau pour moi et j’ai tendance à m’affoler un peu vite je pense. Il va falloir que je travaille là-dessus. Mais il est probable que je continuerai à emmener les enfants à l’hôpital toujours plus vite que les autres. » Pour l’heure, tout commence encore : il reste deux ans de volontariat au bout desquels la volontaire aura autant aidé enfants et mères qu’ils l’auront, elle, changée.
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